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Accueil des réfugiés ukrainiens en Suisse - par Anne Marion Freiss, Préfète du district de l'Ouest lausannois, Suisse

 Groupe de travail D

Accueil des réfugiés ukrainiens (hébergement, droit au travail, scolarisation, santé, retour en Ukraine)

Préambule

A titre préliminaire, il m’appartient de rappeler que la Suisse étant un état fédéraliste, les questions liées à l’accueil des réfugiés ukrainiens ont été déléguées aux 26 cantons. Dans le canton de Vaud, le gouvernement a délégué cette mission à l’Etablissement vaudois pour l’accueil des migrants (EVAM). Les préfets n’ont pas de mission particulière, si ce n’est de faire la liaison au cas par entre commune et EVAM  en vue de l’ouverture d’un lieu provisoire. 

Cela étant, je peux vous apporter les éléments suivants pour répondre aux questions posées.  

1. Gouvernance

1. Dispositifs, structures et outils spécifiques mis en place par les Etats

Mise en place d’une « Task-Force accueil Ukraine » au niveau cantonal (TF). Celle-ci répond à une délégation présidée par le DEIEIP avec la participation du DJES et DSAS, le DEF (élément important) y est représenté par sa SG (le document 230112-OrgTF clarifie les rôles et responsabilités et les participants). Cette Task Force a évolué au fil du temps : Au début de la crise ukrainienne, la focale était uniquement sur les Ukrainiens. Avec l’augmentation des flux de migrants provenant d’autres pays, le Conseil d’Etat a décidé d’élargir les compétences aux « phénomènes de migration forcée de grande ampleur ». La TF travaille sur cette thématique élargie depuis novembre 2022. Pas d’activation du plan ORCA, mais des relations étroites ont été tissées entre l’EVAM et l’EMCC, avec des planifications de contingence (dans le cas, certes peu probable, d’un nouvel afflux sont en cours d’élaboration). 

 

2. Outils statistiques et monitoring
La Task Force édite un bulletin hebdomadaire, ce bulletin est l’outil de monitoring principal. 

2. Logement

1. Prise en charge sur le court terme (urgence), moyen (temporaire) et plus long terme (pérenne)
2. Activation de dispositifs du logement public 
3. Stimulation et encadrement de l’accueil par le citoyen (privé)
4. Recherche et mise en place d’hébergements collectifs

Pour les questions 1, 2,3 : La question du logement est évidemment la priorité. On distingue 4 types de logements :

- Structure collective EVAM (1033 Ukrainiens)

  • Les foyers sont des structures d’hébergement collective. Historiquement, l’EVAM en a 11 dans le canton, pour 1216 places. 20 foyers supplémentaires ont été ouverts durant la crise (pour 1508 places). - Solutions moyen/long terme 
  • Deux abris de protection civile (186 places) ont également été ouverts pour pallier au manque de place (hommes seuls, durée du séjour de max 6 mois). Nous risquons d’en ouvrir davantage courant 2023. - Solution court terme, urgence/temp
  • Une structure d’hébergement collective temporaire a également été ouverte à Beaulieu (300 places). Elle sera remplacée courant avril par une structure plus petite (fin de bail). Cette structure sert de sas d’arrivée et accueille des gens sur le très court terme (quelques jours/semaines max). Il s’agit d’une solution transitoire pour les nouvelles arrivées sur le canton, le temps de trouver des places dans des structures plus pérennes (foyers/appartements). A noter que la Protection Civile a été mobilisée pour aider à l’ouverture de deux structures l’été passé. L’EVAM a depuis repris la main sur ces site (la PCi reste un partenaire important et pourrait être mobilisée à nouveau si nos moyens venaient à manquer) - solution court terme, urgence.

- Logement individuel EVAM (1033 Ukrainiens)

Il s’agit d’appartements mis à disposition des migrants par l’EVAM (il s’agit soit de bâtiments propriétés de l’EVAM ou de locations prises au nom de l’EVAM). - Solutions long terme (pérenne)

- Bail privé (1500 Ukrainiens) 

C’est le cas le plus simple pour l’EVAM, la personne migrante trouve un logement (avec ou sans notre aide) et signe un contrat de bail à son nom (l’EVAM verse tout ou partie du loyer, aide pour le déménagement/mobilier, assurance RC et ECA, caution). - Solutions long terme 

- Chez les particuliers (c/o) : 2156 Ukrainiens

  • Héberger un migrant, 1 village 1 famille : ~900 Ukrainiens

_C’est un programme où des personnes peuvent mettre à disposition un logement (ou une partie de celui-ci) pour des migrants. L’EVAM met en contact les migrants avec des propriétaires, assure un suivi social et verse une contrepartie financière. L’engagement (temps) minimal est de 6 mois. Après le contrat est soit 
_Le projet un village une famille, fonctionne sur le même principe, mais s’adresse à des communes qui souhaiteraient s’engager. 
_Ce modèle est en perte de vitesse (fin de l’élan de solidarité, héberger quelqu’un à la maison n’est pas simple), mais on constate que la majorité des gens qui passent par ce programme trouvent ensuite un bail privé (les familles d’accueil travaillent dans ce sens). Par conséquent, peu de bénéficiaires demandent un logement à l’EVAM après avoir passé par cet arrangement. 

- Chez les particuliers :  ~ 1300 Ukrainiens

Dans le cas où un migrant vit chez des connaissances, amis, famille. L’EVAM n’est pas partie prenante de la solution d’hébergement. 
En revanche, selon la situation du migrant, un montant forfaitaire peut être payé.

Il est important de noter que l’élan de solidarité a été impressionnant, l’hébergement d’Ukrainiens chez des particuliers représente autant de places (2200) que les solutions proposées par l’EVAM (foyers/appartements = 2000). C’est remarquable ! 

4. La recherche de structures collectives est un défi permanent. La prospection est un travail quotidien depuis le début de cet afflux. 

3. Procédures, administration et information

5. Procédures d’enregistrements, d’identification et de domiciliation des réfugiés sous protection temporaire. Fiche d’information « Statut de protection S ». Procédure de compétence fédérale.

➢    Le statut de protection S permet aux personnes concernées d’obtenir une protection rapide et non bureaucratique en Suisse, sans passer par une procédure d’asile ordinaire.

➢    Les bénéficiaires de ce statut obtiennent un permis S (art. 45 OA 1). Sa validité est limitée à un an et peut être prorogée. Après au plus tôt cinq ans, les personnes à protéger reçoivent une autorisation de séjour B qui prend fin au moment où la protection provisoire est levée. (art. 74 LAsi).

➢    Le statut de protection S confère un droit de séjour, permet à son bénéficiaire d’effectuer un regroupement familial et lui donne, au même titre qu’aux personnes admises à titre provisoire, un droit à l’hébergement, à l’assistance et aux soins médicaux. Les enfants peuvent aller à l’école.

➢    Les bénéficiaires du statut S peuvent voyager à l’étranger puis revenir en Suisse sans avoir à demander une autorisation (art. 9, al. 8, P-ODV)

➢    Les bénéficiaires du statut S ont droit à l’aide sociale et peuvent exercer sans attendre une activité lucrative soumise à autorisation (y compris indépendante).

➢    La Confédération verse aux cantons une contribution globale  pour chaque bénéficiaire du statut S qui perçoit l’aide sociale (art. 22 OA 2). Ce forfait comporte trois parts : la

participation aux frais de logement, une participation aux dépenses liées à l’aide sociale

ainsi qu’à l’encadrement et la troisième aix primes d’assurance-maladie.

➢    Le statut de protection S est un statut orienté sur le retour. La Confédération crée les conditions propices au retour des intéressés (cf. art. 67 LAsi).

➢    Le statut de protection S a été créé dans le cadre de la révision totale de la loi sur l’asile en 1998 lorsque les guerres de Yougoslavie avaient entraîné un exode de la population.

6. Recours au statut de protection S

Le statut de protection S accorde une protection sur la base de la simple appartenance à un groupe particulier (cf. ch. 2 « Définition du groupe des personnes à protéger »). L’appartenance au groupe défini est établie dans le cadre d’une procédure simplifiée, qui reprend certaines étapes de la procédure d’asile ordinaire (par ex. enregistrement de la demande, contrôle de sécurité, audition sommaire, examen de l’appartenance au groupe des personnes à protéger). Si, après cinq ans, le Conseil fédéral n’a toujours pas levé la protection provisoire, la personne à protéger reçoit du canton auquel elle a été attribuée une autorisation de séjour B qui prend fin au moment où la protection est levée (art. 74 LAsi).

7. Information des réfugiés et des citoyens (centres d’appel, FAQ,…)

Page internet Ukraine(link) + Hotline Vaud (en français, anglais, allemand, ukrainien et russe)  

4. Social et santé

8. Procédures d’octroi et activation des aides sociales, financières et alimentaires

La procédure est détaillée : Obtention du statut de protection S auprès d’un CFA (centre fédéral d’admission) et attribution au canton de Vaud - se rendre à l’EVAM (sans rdv) - ouverture de l’assistance, assurances, hébergement.

Note : le passage à l’EVAM n’est pas obligatoire pour ceux qui ne souhaitent pas d’assistance, dans ce cas ils doivent néanmoins s’affilier à une caisse maladie. 

9. Dispositifs médicaux et psychosociaux

Si la personne est hébergée par l’EVAM : une équipe de l’unité de soins aux migrants prend contact pour une évaluation (avec interprète). Une antenne santé est présente au sas de Beaulieu et dans certains foyers. - l’idée est de voir tous les arrivants. 

Hors EVAM : avec attestation de prise en charge (ou carte assurance maladie) - possibilité d’aller à l’hôpital, chez le médecin ou à la pharmacie (pas de visite systématique).

10. Parcours d’intégration et accès aux services d’interprétariat

La parcours d’intégration commence avec l’apprentissage du français (dans les cantons romands). Un questionnaire d’évaluation est envoyé à tous les titulaires de permis S qui ne sont pas en âge de scolarité obligatoire. Une proposition de soutien leur est ensuite faite.

11. Prise en charge des personnes vulnérables (handicap, mineurs, familles…)

Pas d’approche spécifique. Ces cas sont évidemment traités avec une attention toute particulière (au même titre que les personnes vulnérables d’autres provenances).  

12. Accès aux activités socio-culturelles

Cela dépend énormément de la situation individuelle de chacun (logement individuel, chez des connaissances, programme héberger un migrant, foyer …etc…). Dans le cadre des foyers, l’EVAM encourage la présence et les collaborations avec des associations locales pour l’aide aux migrants. Il n’est pas rare que des associations de citoyens se forment pour passer du temps avec nos bénéficiaires (mais pas systématique). 

5. Transports

13. Accès aux moyens de transport

Les bénéficiaires de l’EVAM reçoivent un abonnemnt mobilis pour les zones comprises entre leur logement et Lausanne (la mobilité vers Lausanne est importante pour avoir accès au siège de l’EVAM, SPOP, divers administrations et souvent les mesures d’intégration, comme les cours de Français dispensés par l’EVAM).   

14. Mise en place de dispositifs de mobilité

En plus de l’abo, l’EVAM soutien un programme d’intégration avec la maison du vélo à Lausanne. Par ce biais, les migrants peuvent acheter un vélo à bas prix. 

6. Emploi, formation et enseignement 

15. Problématiques de scolarisation et d’accès aux écoles 

C’est effectivement un problème difficile, notamment dans les communes où l’EVAM ouvre des hébergements collectifs pour familles (cela génère un nombre important d’enfants à scolariser en peu de temps). Cette problématique était moins visible en début de crise, avec des arrivées perlées et réparties sur l’ensemble du territoire (souvent dans des baux privés, chez des particuliers…). La concentration de nombreux enfants au même endroit est problématique pour les communes qui doivent trouver de la place pour les écoles. La DGEO est sensibilisée et travaille sur cette problématique.

16. Accès au marché du travail, à l’emploi 

Le permis S donne accès au marché du travail. Cet accès est soumis à autorisation. 

17 Insertion et formation professionnelles

Les jeunes titulaires de permis S ont accès à l’apprentissage. En outre, les permis de séjours des jeunes apprentis seront renouvelés afin de leur permettre de terminer leur formation. 

7. Prévention et gestion des conflits

18. Difficultés d’intégration et de vie en communauté

Rien à signaler.

19. Situation des communautés et des gens du voyage

Les communautés des gens du voyage provenant d’Ukraine présentent les mêmes défis que les communautés de gens du voyage provenant d’autres pays. Le SEM ne tient pas compte de l’appartenance à cette communauté dans l’attribution des cantons (la demande de protection S est liée à la nationalité Ukrainienne et pas à l’appartenance à une communauté ou l’autre). De même l’EVAM ne tient pas de registre des personnes roms et n’est pas en mesure de fournir des informations détaillées à ce propos. Une des problématiques souvent citées en lien avec cette communauté est la question de l’interprétariat. En effet, si l’offre en langue Ukrainienne semble adaptée, cette langue n’est pas maitrisée par l’ensemble des communautés des gens du voyage, il en résulte un accès plus difficile aux services essentiels. 

20. Retours en Ukraine

Le SEM a attribué au canton de Vaud 7360 personnes avec statut S. Aujourd’hui, l’EVAM compte 6142 bénéficiaires Ukrainiens. La différence (1218) représente les retours et les personnes attribuées au canton qui n’ont pas demandé l’assistance à l’EVAM. Il est difficile d’avoir une statistique plus précise. 

 

Le 6 avril 2023/Anne Marion Freiss

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