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Témoignage de M. BERDOZ, Préfet du District de Riviera – Pays-d’Enhaut, Canton de Vaud, sur la gestion de la crise du COVID19

Témoignage de M. BERDOZ, Préfet du District de Riviera – Pays-d’Enhaut, Canton de Vaud, sur la gestion de la crise du COVID19

La Suisse forme aujourd'hui, comme vous le savez, un État fédéral composé de 26 cantons.

La Constitution fédérale de la Confédération suisse mentionne que les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Constitution fédérale et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération.

Cette souveraineté est toutefois limitée lorsque la sécurité intérieure est en danger car dans ce cas, la Constitution fédérale donne au Conseil fédéral le pouvoir d’édicter des ordonnances et prendre des décisions pour l’ensemble du pays. Ces ordonnances doivent être limitées dans le temps, c’est la raison pour laquelle au moment de la rédaction de ces lignes, (début septembre 2020) les Chambres fédérales débattent d’une loi Covid-19 permettant au Conseil fédéral de poursuivre les actions entreprises au-delà de l’urgence déclarée en mars 2020.

Bien que le domaine de la santé fasse partie de la souveraineté cantonale, dans le cas de la Covid-19 et en application de ce principe, la Confédération a, sur les recommandations des experts de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) immédiatement imposé des mesures de distanciations sociales, de limitation de rassemblement, de restrictions aux frontières ainsi que la fermeture des commerces jugés non-essentiels (restaurants, bars, coiffeurs, magasins autres que ceux de première nécessité etc..) Il s’agissait en fait d’un semi-confinement imposé par le Conseil fédéral par le biais d’ordonnances obligeant les cantons à faire preuve de souplesse en adaptant leurs propres règles de fonctionnement.

De nombreuses mesures ont immédiatement été prises par les responsables du système de santé et des milieux économiques afin de garantir d’une part l’accès aux soins à l’entier de notre population mais aussi d’allouer rapidement les financements nécessaires à la survie des employés et indépendants touchés de plein fouet par ces restrictions. Les préfets n’ont pas été directement impliqués dans ces processus mais ont été fortement sollicités pour répondre aux interrogations légitimes que peut soulever une telle situation de crise auprès de la population et des autorités locales.

Concernant l’adaptation de nos propres règles de fonctionnement, le Canton de Vaud a par exemple édicté un arrêté permettant aux exécutifs des collectivités locales d’organiser un vote par correspondance afin de permettre aux législatifs de prendre les décisions urgentes sans se réunir. 

Les représentants territoriaux de l’Etat, les Préfets en l’occurrence s’agissant du Canton de Vaud, ont participé de diverses manières à la mise en place de ces nouvelles contraintes. A titre d’exemple, voici trois actions entreprises par des membres du Corps préfectoral vaudois.

 

1 : Présence de membres du Corps préfectoral (CP) au sein de l’Etat-major cantonal de conduite (EMCC):

Texte de M.Dessauges, Préfet du District du Gros-de-Vaud

Les Préfets Vaudois ont été intégrés au sein de l’Etat-major cantonal de conduite (EMCC) de la manière suivante :

M. Pascal Dessauges, délégué du CP au CodirOrca, au sein de l’EMCC dès le début du  processus.

Mme Anne Marion-Freiss, déléguée du CP pour le plan canicule, dans l’équipe du dispositif prise en charge des décédés et des endeuillés (cellule NM).

Mme Clarisse Schumacher-Petoud en appui de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) pour la Centrale des solidarités.

Dès le 13 mars 2020, la présence d’un membre du CP au sein de l’EMCC a permis d’assurer une interface entre cette structure, le CP et les communes vaudoises.

Les ordonnances fédérales et les divers arrêtés adoptés par le CE durant cette période ont octroyé des compétences particulières aux Préfets (outre la question des écoles mentionnée plus loin), notamment :

Répression des contraventions en cas d’infraction aux règles sanitaires.

Préavis sur les préavis communaux adoptés en cas d’urgence sans réunion.

Autorisation pour les conseils communaux de siéger dans le respect des règles sanitaires.

De nombreuses questions nous ont été adressées par les autorités des communes ; questions aussi diverses que la possibilité de maintenir les séances de municipalité, l’obligation ou non de maintenir ouvertes les administrations communales et nécessité ou non de continuer à assurer les prestations communales (voiries, déchetterie, etc.), l’ouverture ou non des espaces publics (places de jeux, quais, ports, places de sport), le maintien ou la réouverture des marchés dans les communes ou la vente directe chez le producteur, l’ouverture des commerces (en fonction de leur type d’activité, etc…).

Chacune de ces questions étaient remontées à l’EMCC pour réponse ou transmission au Service compétent.

Régulièrement, les membres du CP étaient amenés à faire un état des lieux de la situation de chaque commune de leurs districts respectifs ou à intervenir pour faire rouvrir une déchetterie, l’accès à un quai, la mise à l’eau de bateaux, etc…

En date du lundi 6 avril 2020, les membres du CP ont été invités à suivre une formation puisque dans les cinq régions retenues en cas de confinement, un Préfet aurait eu pour mission de conduire le Poste de Conduite à l’Engagement (PCE).

En date du 27 avril 2020, la 1ère étape d’assouplissement des mesures est entrée en vigueur. Ces mesures répondaient à un besoin de la population, notamment concernant le bricolage, les jardineries, les pépinières, les fleuristes et les stations de lavage des véhicules.

Un certain nombre de questions arrivaient toujours dans les préfectures, notamment concernant les conditions fixées pour la réouverture de ces commerces, y compris salons de coiffure, de beauté, etc…

Chacune de ces questions étaient remontées à l’EMCC pour réponse ou transmission au Service compétent.

Les membres du CP ont été amenés à intervenir auprès de certaines communes pour faire rouvrir les déchetteries.

Le Chef de l’EMCC nous a rendu attentifs à plusieurs reprises que l’assouplissement des mesures prises en fonction de l’évolution du Covid_19 rendrait beaucoup plus difficile les contrôles dans les espaces publics et les commerces.

En date du 11 mai 2020, la 2ème étape d’assouplissement des mesures est entrée en vigueur.

Un certain nombre de questions arrivaient toujours dans les préfectures, notamment concernant les conditions fixées pour la reprise des activités sportives sans contacts physiques et la réouverture des restaurants, bars et pubs.

Chacune de ces questions étaient remontées au Service compétent avec copie à l’EMCC pour information.

Nous avons également été sollicités pour contrôler les mesures sanitaires à l’occasion de la réouverture des écoles de cycles obligatoires.

En date du 6 juin 2020, la 3ème étape d’assouplissement des mesures est entrée en vigueur

Les membres du CP ont poursuivi leurs activités de renseignements auprès des communes en fonction des besoins et selon les modalités en vigueur depuis le 13 mars 2020.

Bilan Métiers :

L’activité des membres du Corps Préfectoral pendant cette période de Covid_19 a été intense, surtout en termes de contacts ou d’échanges entre nous ainsi qu’avec l’EMCC, les Services cantonaux et les communes.

La difficulté principale résidait dans le fait d’être constamment en mesure d’informer les autorités des communes ou de répondre à leurs nombreuses questions alors que la situation pouvait changer d’un jour à l’autre.

Il faut relever la pertinence du rôle des Préfètes et Préfets dans cette situation de crise. En effet, leur connaissance fine du terrain (sensibilité de tel ou tel service, commune, administration, population, etc…) en fait des ambassadrices et ambassadeurs écoutés. Cela renforce le message distillé par les autorités politiques. D’ailleurs, nous étions atteignables et à disposition 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. 

Le bureau du CP, et plus spécifiquement notre Président, ont été sollicités dans les nombreuses consultations effectuées par les différents partenaires lors de la rédaction d’arrêtés ou de directives. Les Préfets ont également reçu la compétence de prononcer les amendes au sens de l’art 13 de l’ordonnance fédérale COVID-19 situation particulière.

Enfin ils sont chargés de veiller à l’application des règles sanitaires pour les conseils communaux, ont été sollicités pour préaviser au sujet des votes par correspondances dans les conseils et ont un rôle de surveillance générale dans la mise en œuvre des décisions cantonales.

Pour la région EST, les 4 Préfètes et Préfets ont participé 3 fois par semaine dès le 16 mars au rapport de crise du Poste de Commandement Est qui regroupait les différents intervenants terrains, PC, Police, Pompiers, Ambulance, Service santé, Présidents des CODIR PC.

Ces rapports ont été forts utiles pour la liaison, la coordination et la mise en pratique des directives du Conseil d’Etat, tant auprès des communes (municipalités, conseils généraux et communaux, administration) que des entreprises et des particuliers.

Le dernier rapport a eu lieu le 10 juin.

Cette structure décentralisée pourrait être reconduite en cas de besoin et a prouvé toute son utilité.

Les mesures prisent dans le but de contenir le développement de cette pandémie ont été exceptionnelles de même que les processus de conduite et de prises de décisions.

Les autorités des communes ont été pour la plupart surprises par ce mode de fonctionnement dû à la situation sanitaire et il pourrait s’avérer utile de prévoir une information traitant de ces problématiques au début de chaque législature.

 

2 : Centrale des solidarités:

Texte de Mme Schumacher-Petoud, Préfète du District de Lausanne

Le contexte de pandémie de Coronavirus et la décision de confinement a mis les personnes les plus vulnérables dans une situation d’isolement : conformément aux prescriptions des autorités, ces dernières devaient rester chez-elles, limiter les sorties au maximum et éviter les contacts.

Or, le respect de ce cadre strict pouvait poser problème à une partie de la population qui, dans sa vie quotidienne, ne dispose plus d’autonomie suffisante pour exécuter certaines activités essentielles comme faire les courses, effectuer les paiements ou promener son chien.

Face à ce constat, le canton, par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), en collaboration avec l’association vaudoise d’aide et de soins à domicile (AVASAD) s’est organisé pour proposer des réponses efficaces aux demandes de ces personnes. 

Grâce à une collaboration étroite de l’Etat-major cantonal de conduite et des Préfets, les communes ont  pu donner rapidement une réponse coordonnée face à l’urgence sociale sur le terrain.

Ce mécanisme, appelé centrale des solidarités, a été conçu pour répondre rapidement et efficacement au citoyen. 

Comme le citoyen a l’habitude dans notre canton de s’adresser à sa commune de domicile en cas de problème, la centrale des solidarités s’est calquée sur cette réalité. Ainsi, dans un premier temps, ce sont les communes qui ont pris en charge les demandes de leurs habitants à travers leur réseau notamment bénévole (scout, jeunesses, etc).

Si une commune n’avait pas les moyens de répondre à une demande (par exemple des paiements, un transport de personne handicapée, un soutien à un proche aidant), elle pouvait faire appel à la centrale des solidarités via un numéro de téléphone gratuit dédié à cet effet.

Au bout du téléphone, une équipe composée d’assistants sociaux a pu orienter les demandes vers un partenaire (Pro Senectute pour les ainés, Pro Infirmis, la Croix-Rouge, Caritas pour les démunis)  à même d’apporter une réponse adéquate au problème soulevé.

L’idée était ainsi d’associer les ressources des communes et celles des organisations associatives cantonales, qui ont une vision globale du dispositif social vaudois, pour répondre rapidement à la demande.

Pendant le confinement, et par l’intermédiaire des représentants territoriaux qui ont joué un véritable rôle de courroie de transmission entre la commune et l’Etat, les  communes ont pu donner à la population vaudoise un accès à un accompagnement efficace grâce à une coordination  des ressources des différents partenaires sociaux.

Cette expérience a permis de mettre sur pieds un travail transversal entre les différents partenaires associatifs (ainés, handicapés, démunis, etc) qui ont collaboré ensemble pour mettre en commun leurs expertises respectives et répondre d’une seule voix aux besoins des plus vulnérables.

Ainsi, la centrale des solidarités a permis de réunir le monde du social autour d’une table. Cette expérience constitue à n’en pas douter une opportunité de pérenniser la coordination des partenaires associatifs et ainsi améliorer l’efficacité de la politique sociale vaudoise grâce à l’entremise des Préfets qui permettent une transmission rapide de l’information sur l’entier du territoire. 

 

3 : Dispositif de prise en charge des décédés et des endeuillés (cellule NM):

Texte de Mme Marion Freiss, Préfète du District de l’Ouest-Lausannois

S’agissant de la cellule NM, elle était composée d’un officier d’état civil, de délégués des communautés religieuses, du responsable des incinérations de la Ville de Lausanne, de policiers. Elle était coprésidée par M. le commissaire Forensique de la Police Cantonale vaudoise et  Mme l’adjointe au médecin cantonal. Les membres de cette équipe se sont réunis quotidiennement dès le 23 mars 2020 jusqu’aux Fêtes de Pâques pour faire le point de la situation. Ensuite, les réunions se sont espacées à deux fois par semaine jusqu’au début juin puis une fois par semaine en moyenne jusqu’au début juillet.

La mission de la cellule a été d’évaluer la possibilité d’une forte augmentation des décès liés à la pandémie Covid19 liée aux besoins en termes d’inhumation ou d’incinération, d’accompagner les familles des personnes décédées pour lesquelles les rites funéraires étaient bouleversés et qui n’avaient pu accompagner leurs proches en fin de vie. Il s’est également agi de régler les rapatriements de défunts dans leur pays d’origine alors que les frontières étaient fermées. 

Pour concrétiser ces objectifs, un monitoring sous forme d’application a été mis à disposition des entreprises de pompes funèbres, un soutien téléphonique personnalisé a été proposée aux familles endeuillées en partenariat avec les communautés religieuses, enfin la création d’une morgue cantonale a été prévue afin de faire face dignement si nécessaire aux besoins d’accueillir les personnes décédées en attente de funérailles. 

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