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Témoignage de Mme Elizéon, Préfète de l'Aude, sur la crise du COVID19 et le monde d'après

Et si le monde d’après était celui de la sollicitude ?

Plutôt que protection ou providence : la sollicitude.

La crise sanitaire liée à la pandémie de Covid- 19 à laquelle nous faisons face a donné à voir deux attitudes concomitantes chez un grand nombre de Françaises et de Français : d’un côté, un esprit de solidarité avec les professionnels de santé, le voisinage, les plus fragiles et de l’autre, une certaine incapacité à saisir le sens de la stratégie arrêtée par le Gouvernement pour gérer la crise.

Faits remarquables : les pharmaciens ont accepté -sans opposer qu’ils n’étaient pas formés pour- d’être les sentinelles pour les femmes victimes de violences conjugales ; les enseignants ont accepté de garder les enfants des professionnels mobilisés pour gérer la crise tous les jours de la semaine voire même les week-ends et vacances scolaires ; les agriculteurs ont su monter de toutes pièces en trois jours des circuits courts et de ventes directes du producteur au consommateur ; les voisins se sont retrouvés autour du tapage nocturne conduit par le musicien du quartier jouant à la fenêtre ; les couturiers du dimanche ont confectionné des masques et les ont donnés. La solidarité est bel et bien au rendez-vous dans ces moments de crise. Le monde d’après doit pouvoir l’entretenir, la cultiver.

Dans le même temps, tout se déroule comme si personne n’avait saisi le sens de la gestion de cette crise : le sens du confinement, le sens de la supériorité du collectif sur l’individuel, le sens de ce que nous avons, Françaises et Français, à faire ensemble, de ce qui nous fait faire société.

Les générations spontanées de joggers sont allées user le bitume en masse le soir à 19h00 après avoir, peut-être, exercé leur droit de retrait en journée. Les randonneurs solitaires ont considéré qu’ils pouvaient se balader puisqu’ils étaient seuls et ne risquaient donc rien, sans penser qu’en période de confinement chacun de nous est un randonneur solitaire en puissance. Des masques ont été dérobés et des stocks détournés de leurs destinataires finaux. Les spécialistes en virologie, en infectiologie et autre méthodologie se sont opposés à travers les médias, ajoutant la crainte de l’indécision et du mauvais choix à celle générée par la contagiosité du virus. Le sens, qui décrit aussi bien le chemin que la destination, n’existe plus. A-t-il jamais existé ?

Or, il semble que c’est bien à l’État, à travers les politiques publiques prioritaires de donner le sens de ce que les Françaises et les Français ont à faire ensemble, de définir ce « bien commun » qu’il convient de préserver, consolider et faire prospérer. La crise sanitaire actuelle permet de dégager quelques pistes pour identifier ce bien commun à toutes et tous : il apparaît clairement que la santé, la connaissance, l’engagement et l’économie en font partie. « Préserver, consolider et faire prospérer », ces ambitions se retrouvent en substance dans l’une des définitions possibles du care, qui en français peut être traduit par le terme de sollicitude.

Et si dans le monde d’après l’État n’était ni protecteur ni providentiel ? Et si dans le monde d’après nous faisions le choix d’un État de sollicitude ?

 

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